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« Grand Paris » / 5 : vivre à 10 minutes de tout

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Document mis en ligne le 6 avril 2012

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Rencontre 4 Groupe Grand Paris Ihedate
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Cette quatrième rencontre a été introduite par Livier Vennin qui en a rappelé les objectifs : derrière le titre de la séance un peu provocateur se cache la question des dynamiques urbaines, des résistances, des rejets et des adhésions au projet urbain du Grand Paris. Afin d’illustrer cette question, trois interventions : Brigitte Guigou de l’IAU parlera de la banlieue et de son intégration dans le Grand Paris, François Loscheider évoquera une situation particulière également, celle de la Vallée scientifique de la Bièvre et Christophe Dalstein exposera le projet EuropaCity, qui doit être réalisé par Auchan sur la commune de Gonesse. Notre thématique fait donc intervenir les notions de gouvernance multiscalaire ainsi que les outils mobilisés pour réussir l’intégration – des quartiers sensibles, de projets de développement intercommunaux ou encore de centres commerciaux dans nos exemples du jour – dans le contexte métropolitain francilien.


[*1. Quelle intégration des quartiers de politique de la ville dans le Grand Paris ?*]

Les banlieues oubliées du Grand Paris ?

La loi sur le Grand Paris ne traite guère des quartiers populaires. Elle se contente de considérer les quartiers populaires comme des réservoirs de main-d’œuvre. L’intégration de ces quartiers dans la dynamique métropolitaine devrait être abordée par le schéma de développement territorial et par le contrat de développement territorial (CDT). D’après Brigitte Guigou, il semblerait que la question des quartiers a été posée au niveau local mais qu’aucune réflexion n’a été menée pour la relier à des échelles plus larges.

Sur les 120 quartiers en rénovation urbaine d’Île-de-France, une soixantaine se trouve dans un rayon d’un km autour des futures gares du Grand Paris. François Lamy, ministre délégué à la ville, a lancé une concertation nationale sur la politique de la ville, visant à une meilleure articulation du volet social et du volet urbain. Les travaux des groupes de travail et du comité interministériel des villes qui s’est tenu le 19 février dernier affirment que la particularité du Grand Paris et de l’Île-de-France doit être traitée mais sans que cette spécificité soit définie, sans que des mesures législatives distinctes soient envisagées, sans que des partenariats entre l’État, la région et les trois départements concernés soient prévus. Il est indiqué que le périmètre du quartier doit être dépassé et que l’intégration du quartier dans un environnement plus large doit être prise en compte. Un troisième appel à projets, portant sur l’implantation de transports en commun en site propre, est certes lancé mais Brigitte Guigou retient l’impression globale d’un manque d’orientations concrètes.

Il s’agit ici de se poser la question de la desserte des quartiers en rénovation urbaine (ANRU), les quartiers populaires de nos banlieues, notamment au regard de l’implantation des nouvelles gares du Grand Paris. Premièrement, il n’existe pas d’étude globale et quantifiée sur la desserte des quartiers populaires d’Île-de-France par les transports en commun : il n’y a ni bilan ni étude sur ces évolutions depuis 15 ans. Deuxièmement, la question de l’intégration des quartiers populaires suscite des débats et des controverses. La situation des quartiers a sans doute été quantitativement améliorée par la politique de la ville et par le volet territorial des différents contrats de plan (fort investissement dans le logement, restructuration foncière et création de voiries). En revanche, il est difficile d’avoir une vue d’ensemble des aspects qualitatifs. Il existe en outre un manque de volonté de la part du PNRU qui ne semble pas faire de l’accessibilité des quartiers populaires un objectif (il se concentre sur des zones délimitées géographiquement, sans prendre en compte le territoire dans sa globalité).

L’exemple du Clos Saint-Lazare : un territoire condamné ?

Le Clos Saint-Lazare à Stains (Seine-Saint-Denis) est un cas étudié par l’IAU qui permet d’illustrer cette problématique. Il s’agit d’un quartier de 11 000 habitants dans une ville de 35 000 habitants et dans une intercommunalité qui dépasse 50 000 habitants. Le Clos Saint-Lazare est situé dans un territoire immobile où il y avait, avant l’intervention publique, de grandes emprises foncières. La construction de voiries a désenclavé le quartier et l’a ouvert sur l’extérieur. En termes d’intégration urbaine et d’accessibilité, la dynamique apparaît donc positive. Toutefois, à une échelle plus large, les liens du quartier avec les centralités voisines, parmi lesquelles le terminus de la ligne 13 du métro (Saint-Denis Université), qui a été inauguré au milieu des années 90 à proximité de l’Université Paris VII – et maintenant les Archives nationales, construites comme une forteresse – n’ont fait l’objet d’aucune réflexion.

Le quartier du Clos Saint-Lazare est mitoyen de la zone des Tartres, à Saint-Denis. Il s’agit d’une zone de 40 ha où l’intercommunalité de Plaine Commune réalise actuellement un grand projet. Les concepteurs ont tenté de relier le Clos Saint-Lazare à la zone des Tartres. Les entretiens conduits avec les responsables du projet (les concepteurs ainsi que les services de l’intercommunalité et de la ville de Stains) montrent que le fonctionnement de l’intercommunalité est problématique, principalement pour des questions de gouvernance. En effet, le projet de rénovation urbaine est pris en charge par la commune de Stains, tandis que celui de la zone des Tartres relève plutôt du service d’aménagement de l’intercommunalité, que la route départementale fait partie des compétences du département et que le parc départemental, par ailleurs soumis aux règles Natura 2000, est géré par une autre instance.

Outils et vision pour une gouvernance territoriale

Si la question de l’accessibilité des quartiers au sein du Grand Paris n’est pas traitée, il semble que la pièce manquante à la réflexion soit celle d’une gouvernance à bonne échelle, voire l’absence de gouvernance. Des débats politique en cours émerge l’idée de sortir de l’échelle du quartier et de la commune pour avoir une vision non pas au niveau de l’Île-de-France mais à celui de taches urbaines homogènes, c’est-à-dire de vraies intercommunalités capables de prendre en charge le PLU, l’aménagement urbain, etc. L’exemple de meilleures réussites de la rénovation urbaine en province vient appuyer cette idée, où il a été affirmé que la cohérence de cette politique passait par la cohérence de l’aménagement de l’ensemble du territoire urbain et où les intercommunalités ont finalement pris une part essentielle dans la gestion de la rénovation urbaine.

Il est permis de penser que l’arrivée des gares va redonner une dynamique territoriale aux quartiers proches de ces gares, comme cela a été le cas pour Clichy-Montfermeil, exemple toujours cité car exemplaire. Devenir une centralité importante au sein de la métropole du Grand Paris va-t-il aller de pair avec la politique de la ville ou va-t-il créer des éléments d’extra-territorialité similaires à ceux que l’on constate actuellement à Saint-Denis, où les différentes implantations (Archives nationales, siège de la SNCF, etc.) ont pour l’instant un impact nul sur le territoire ? L’influence du seul réseau n’est donc pas modélisable, elle dépend des effets de levier que le territoire parvient à organiser autour du projet. C’est en anticipant les projets d’infrastructures (comme les gares du Grand Paris), et en les intégrant à leurs stratégies de développement que les collectivités vont pouvoir bénéficier de l’effet de levier sur leurs territoires. Au regard de la déconnexion entre vision de long terme et réalité quotidienne vécue par les élus locaux et les habitants au quotidien, le Grand Paris pose la question de l’intégration des considérations de l’échelle micro. En effet, les maires et leurs équipes municipales sont bien souvent les plus à même de comprendre les priorités de leurs territoires, pour autant, ils ne semblent pas bien intégrés à la réflexion globale sur le Grand Paris et se pose alors la question des outils pour cette participation.

[*2. Question de la bonne échelle et des outils pertinents pour la gouvernance des collectivités locales : l’exemple de la Vallée de la Brève*]

Des problèmes d’échelle et d’outils

La démarche de la Vallée scientifique de la Bièvre se situe dans la suite de travaux menés il y a une quinzaine d’années par le Conseil de développement du Val-de-Marne et par l‘ENS de Cachan sur la valorisation de la recherche de cette dernière. Dans ce territoire dépourvu de grandes centralités urbaines et caractérisé par un paysage urbain morcelé, il n’existe pas de pôle de recherche en tant que tel car les activités scientifiques et de recherche sont réparties dans des villes moyennes, d’environ 40 000 habitants. Le territoire regroupe 35 000 étudiants ainsi que 15 000 chercheurs et ingénieurs. Pour transformer cette spécialisation en point d’appui du développement économique du territoire, les collectivités concernées ont créé le Conseil de développement puis la Conférence territoriale de la Vallée scientifique de la Bièvre, qui rassemble 14 communes, quatre intercommunalités, trois communautés d’agglomérations, deux communautés de communes et deux départements. La Conférence territoriale de la Vallée scientifique de la Bièvre forme un cadre « inter-intercommunal » de coopération qui permet aux élus de réfléchir ensemble sur les projets régionaux. C’est dans le cadre de la Conférence territoriale qu’un contrat de développement territorial (CDT) a été élaboré.

Étudier le cas de cette intercommunalité est une manière d’illustrer les problématiques d’échelles, auxquelles nous nous heurtons en permanence en Île-de-France. Les hôpitaux du secteur souffrent d’un manque d’attractivité et se heurtent à des difficultés de recrutement. Ici, le personnel hospitalier rencontre des difficultés de logement compte tenu des prix, considérablement plus élevés qu’en région, de sorte que les intéressés ne restent sur place que 10 ans en moyenne avant de quitter la profession ou la région. De même, ces personnels ont des problèmes de déplacement, notamment à cause de leurs horaires de travail atypiques. Or les hôpitaux fournissent 8 % des emplois du territoire. Nous retrouvons donc la question de la capacité de l’agglomération à répondre à la problématique du logement.

Des problèmes d’outils : la pertinence des Contrats de Développement Territoriaux

Cette difficulté d’échelle se double d’une absence d’outils permettant d’aborder l’enchevêtrement de ces niveaux territoriaux. L’exemple de la participation citoyenne à la réflexion sur le Grand Paris Express illustre cet argument de l’inadéquation des outils : les cadres de la participation ne sont pas adaptés aux enjeux et aux échelles du Grand Paris. De manière générale, il semblerait que la bonne échelle soit très difficile à appréhender en Île-de-France. Il y a un besoin permanent d’interterritorialité. En province en revanche, les pôles métropolitains ont été créés, mettant en place des outils à la fois souples et pérennes dont on semble manquer dans le cadre du Grand Paris. Un instrument à géométrie variable comme les CDT présente alors un intérêt certain.

Il s’agit d’un outil encore mal défini. Ces contrats ont été instaurés par la loi de 2010 sur le Grand Paris, ils ont fait l’objet d’un décret en juin 2011 et la loi du 18 janvier 2013 sur la mobilisation du foncier en faveur du logement a modifié les dispositions législatives qui leur sont applicables.

Le CDT a connu des versions successives, pas réellement prévues par les textes. Il s’est d’abord agi d’un outil d’urbanisme opérationnel destiné à conjuguer l’arrivée du métro et l’aménagement urbain autour des gares. Dans la pratique, aucun des CDT n’a été utilisé ainsi : le périmètre d’application s’est dilué, les ambitions se sont approfondies au point de se diluer elles aussi, ainsi qu’en témoigne par exemple la volonté de la préfecture de région et du conseil régional d’en faire des outils d’incitation au développement des réseaux de chaleur, sans régler la question de leur financement. La deuxième fonction des CDT consiste à porter l’émergence des pôles de développement scientifique et économique ainsi que la construction de logements. Cette fonction se situe à l’arrière-plan et les CDT ont tendance à devenir des cadres de partenariat de long terme entre les collectivités territoriales et l’Etat, mais également avec d’autres acteurs territoriaux (comme l’ARS dans le cas de la vallée scientifique de la Bièvre).

Ces cadres vont être amenés à évoluer et serviront peut être de réceptacle à la future politique de la ville, devenant un outil d’articulation entre les échelles, entre enjeu métropolitain et enjeu local. Les CDT pourraient ainsi constituer un outil de la gouvernance urbaine d’Ile-de-France.

[*3. Immobilier commercial : quelle offre d’activités commerciales, culturelles et de loisir en banlieue ? A destination des banlieusards ? des parisiens ? des touristes ?*]

L’évolution de l’urbanisme commercial : retour à la proximité ?

L’exposé de Christophe Dalstein pose la question des modes de consommations en Île-de-France et de la demande des citoyens-usagers-consommateurs dans le cadre du Grand Paris. Auchan représente le modèle de l’hypermarché situé en périphérie des grandes villes qui nécessite un investissement important en termes de temps de la part des consommateurs. Ce modèle qui avait sa pertinence dans la France d’après-guerre se heurte désormais à plusieurs obstacles : l’évolution des attentes des consommateurs, désireux de faire leurs courses autrement, la réorganisation métropolitaine et le commerce en ligne, qui se développe d’ailleurs davantage en région qu’en Île-de-France.

Le retour à la proximité apparaît comme une nécessité. En témoigne la multiplication des Daily Monop’ et des Carrefour Market. Auchan tente de développer à la fois cette géo-proximité et la chrono-proximité. En effet, il y a une quinzaine d’années, un client passait en moyenne 1 h 30 dans un centre commercial mais cette durée est passée à moins de 45 mn aujourd’hui. Par ailleurs, un peu plus de 70 % des clients considèrent comme une corvée le fait de se rendre dans un centre commercial. Bien que ce modèle économique continue à fonctionner en l’absence d’autre solution, il est nécessaire de s’interroger sur l’absence de plaisir de la part des clients.
L’intégration des centres commerciaux au réseau de transports en commun constitue une alternative caractérisée par un fort jeu concurrentiel. La Société du Grand Paris s’est fixé pour objectif le développement de pôles commerciaux et de services dans certaines de ses gares. Il y a déjà eu plusieurs réalisations réussies, parmi lesquelles celle de la gare Saint-Lazare. Ces nouveaux pôles, qui s’appuient sur les flux de voyageurs en transit, entrent en contradiction avec nos conceptions traditionnelles de pôles commerciaux de destination.

Émerge de ce nouveau type d’immobilier commercial la question des projets de création de nouvelles centralités autour d’aménagements géants portés par des promoteurs et leur rapport avec la volonté politique des pouvoirs locaux : les centres commerciaux de troisième génération (qui intègrent, en plus de leurs fonctions traditionnelles de commerces, des activités culturelles, de loisirs, voire même des bureaux et des logements). S’il est vrai que ce sont les centres commerciaux qui captent la majorité des flux, qu’en est-il de leur réelle prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux (usages de la voiture), de leur intégration dans le paysage urbain (connexion aux transports et quartiers alentours…) ? Quels usages de service apporteront-ils à quelles populations de quelles échelles territoriales ?

Le projet EuropaCity

EuropaCity est un projet à la réflexion au sein du groupe Auchan depuis 2007. Il s’agit d’un projet de 700 000 m2 : 50 000 m2 pour les équipements culturels, 150 000 m2 pour les loisirs, 230 000 m2 de surfaces commerciales, 20 000 m2 de restaurants, 20 000 m2 de salles de séminaire, 110 000 m2 pour les hôtels (10 hôtels et 2 700 chambres), 100 000 m2 d’espaces ouverts et quelque 8 000 places de parking, car il est prévu que la moitié des visiteurs viendront en train. EuropaCity représente 2,5 Md€ d’investissement et devrait créer 11 500 emplois directs. Le projet est fondé sur le constat du rejet du commerce traditionnel et sur la nécessité de faire évoluer le modèle économique du groupe.

Auchan travaille depuis 2009 sur ce projet avec les services de l’Etat, de la région et des collectivités concernées. EuropaCity est situé entre Le Bourget et Roissy, fait partie intégrante du Grand Paris et ne se concrétisera que si la desserte par les transports en commun est assurée, en particulier si la gare du Triangle de Gonesse est réalisée. Le projet s’inscrit dans le territoire du CDT Val de France-Gonesse, à proximité de trois autres territoires de CDT. La coordination entre les CDT n’est guère assurée que par les acteurs privés, notamment compte tenu des différences d’orientation politique des diverses communes intéressées. De plus, la proximité des deux aéroports exclut la construction de logements. Il s’agit d’un pari, compte tenu des préjugés dont souffre le territoire concerné, qui offre cependant des potentialités importantes.

Pour résumer le projet, disons qu’il se situe à la rencontre d’un pôle économique majeur de l’Île-de-France, qui fait le lien entre Paris intra muros et Roissy (devenu le pôle d’emploi le plus important après La Défense), et d’un territoire en grandes difficultés sociales, puisque l’on y trouve la partie orientale de la Seine-Saint-Denis et les communes couvertes par le CDT Val de France-Gonesse. Toutefois, ce territoire offre des opportunités de développement, qui pourraient bénéficier aux habitants. Il s’agit là d’une des conditions de réussite du projet, par ailleurs soutenu par l’État, la région, les départements et les communes concernées, et mis en œuvre par l’établissement public d’aménagement de La Plaine de France, lequel pilote un projet global d’urbanisation de 300 ha, dans lequel EuropaCity s’intègre.

Se pose alors la question de créer un projet de territoire et son intégration dans le contexte urbain de l’Ile de France. A l’origine, ce projet avait été imaginé pour Barcelone, comme une destination touristique. Désormais, il est pensé comme un catalyseur de développement dans un territoire d’Ile de France en difficulté et en manque de dynamisme. La réflexion sur EuropaCity a également permis de discuter la pertinence de réaliser des projets d’aménagement de telle ampleur, qui ne permettent pas une flexibilité et une adaptation du territoire aux enjeux changeants.