Public attentif à la séance d’ouverture de l’année 2012 : la nouvelle promotion prend connaissance de son « profil » et des règles du jeu de l’Ihedate - séminaires nomades, tutoiement fermement conseillé, mise en réserve des étiquettes. Un tiers des nouveaux auditeurs sont issus de la fonction publique, un autre tiers des entreprises. Le dernier tiers représente chambres consulaires, syndicats, associations, ONG. Cette année, la promotion s’honore de compter six élus et trois journalistes, un record !
Thème de l’année : « territoires et production »
« Production », ou « industrie » ? sera le fil rouge des débats. Où produit-on ? Philippe Estèbe remarque que le regard porté sur les villes est celui de la consommation et, au mieux, de la production culturelle. Industrie et manufactures en semblent absentes : n’est-ce pas autour des stratégies urbaines en matière de production que se noue la question de la division sociale du travail ?
« Plus on partage, plus il y en a »
Economie de la connaissance : une formidable rhétorique s’est développée en Europe (Stratégie de Lisbonne adoptée par le Conseil europén de mars 2000), que Pierre Veltz se fait fort de décaper. « L’économie des idées a longtemps été bridée par l’économie des choses, c’est-à-dire la rareté ». C’est cette notion de rareté qui distingue les deux économies : gérer les choses, c’est gérer des ressources, donc de la rareté. Dans l’économie des idées, au contraire, plus on partage, moins on détruit… Fluides, liquides, difficiles à enfermer : les idées procèdent par pollinisation, et la connaissance, qui était « encapsulée », se libère de plus en plus. Cette économie-là ne connaît pas de frontières, avec pour effet un basculement du monde, une augmentation spectaculaire du capital humain (en 1980, soixante-dix millions de personnes avaient un niveau post-bac, aujourd’hui, elles sont trois cents millions), en particulier chez les filles.
Émergent de nouveaux secteurs industriels : l’un, autour de l’internet, est peu créateur d’emplois ; l’autre, autour de la biologie, de la santé et de l’alimentation, ne produit, en Europe, aucune industrie, même si la recherche fondamentale y est importante. Le modèle qui valait pour l’innovation dans les systèmes matures (sidérurgie, automobile) ou pour les grands projets (aéronautique, nucléaire, ferroviaire) ne fonctionne pas pour les biotechnologies ou l’informatique, qui ont besoin d’innovation ouverte et de systèmes poreux.
Résultat ? Les dix plus grandes régions urbaines du monde représentent seulement 6 % de la population mondiale, mais 40 % du PIB mondial et 70 % de la production technologique. Dans ce monde en archipel, la mobilité est aussi essentielle que l’effacement des frontières d’où la nécessité de créer des « hubs » où les nouveaux producteurs se rassemblent autour d’équipements structurants. L’industrie de la connaissance, aux USA, relève à 70 % de scientifiques non-américains. L’Europe, elle, est à la croisée des chemins. La France en particulier peine à s’organiser, hésitant entre investissements massifs et saupoudrage, avec un empilement de structures (grandes écoles, universités, centres de recherche publics et privés) aussi inextricable que celui des collectivités… La situation pourrait changer très vite, avec les pôles de compétitivité et la réforme universitaire, avec l’établissement d’une continuité entre monde industriel et recherche fondamentale.
Convergence et compétitivité
Quant à l’aménagement des territoires, dans cette histoire, c’est Emmanuel Berthier, Délégué interministériel à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, qui en dessine la vocation : « assurer le bonheur de toute la population, assurer le maximum de cohésion économique, territoriale, sociale ». En privilégiant tantôt la compétitivité, tantôt la convergence des territoires qui vont le moins bien. L’époque serait à la compétitivité.