Nous vivons en France dans une forme de schizophrénie. Nous regrettons un âge d’or de l’aménagement du territoire, où, par reconstruction, un État omniscient prenait des décisions au nom de l’intérêt général et pour le bien du pays, et nous déplorons la lenteur avec laquelle les projets d’aménagement prennent corps, en butte aux multiples protestations, recours, normes, débats, concertions, etc. Dans le même temps, nous considérons que notre société n’est pas suffisamment démocratique et que les transitions dans lesquelles nous sommes engagés (économiques, sociales, écologiques, numériques, démographiques) exigent une plus grande osmose entre gouvernants et gouvernés, une participation plus intense du public, une coproduction plus affirmée des biens communs entre la puissance publique et la dite « société civile ». Enfin, les pratiques démocratiques, et plus généralement les formes de la participation politique sont en perpétuelle évolution, à la fois du fait d’une transformation du rapport aux institutions, de la diversité des formes et des motifs de mobilisation et de l’usage massif des technologies numériques de communication qui bouleversent les relations entre individus, collectifs et institutions.
Le champ large de l’aménagement est un espace de confrontation et de conflictualité, donnant lieu à des mobilisations spectaculaires et des innovations très nombreuses, stimulées par l’admission de la nature et de ses représentants au titre de partie prenante. L’aménagement, dans son acception classique, indexée sur une conception univoque de l’intérêt général, en est considérablement transformé : les projets sont toujours moins légitimés par des enjeux fonctionnels macro territoriaux et toujours plus interpellés au nom de la diversité des usages et des pratiques. Les transitions en cours incitent les individus à devenir acteurs des évolutions sociales et territoriales. Les places respectives des pouvoirs publics, des acteurs sociaux et économiques et des individus s’en trouvent comme floutées : les cartes se redistribuent sans cesse, invitant à inventer en permanence de nouveaux modes de délibération et d’élaboration collective.
C’est cette question que l’Ihédate souhaite examiner en 2016, en s’interrogeant sur les différentes figures de la démocratie (représentative, participative, associative, conflictuelle, etc.) et leurs liens avec les politiques d’aménagement et de développement territorial en Europe.
Comme il s’agit d’une matière à la fois très discutée et très mouvante, l’Ihédate propose une forme pédagogique différente des années précédentes en donnant plus de place à la production collective des auditeurs. Chaque session comportera deux parties : une première partie consacrée à des apports d’expertise ou d’expérience, permettant de nourrir la réflexion ; la dernière demi-journée de chaque session sera consacrée à des travaux de groupe où seront sollicitées l’expertise et l’imagination des auditeurs.