Les crises en cascade de ces dernières années ont agi comme révélateurs de nos dépendances : la crise des gilets jaunes a mis en évidence la sensibilité des ménages au prix du carburant et la guerre en Ukraine celle de l’Europe au gaz russe ; la pandémie a mis à nu la fragilité des chaînes d’approvisionnement, les cyberattaques trahissent nos dépendances numériques, les sécheresses répétées compromettent les récoltes…
Ces vulnérabilités dévoilent les failles de modèles productifs et territoriaux hérités du passé, aujourd’hui percutés par des mutations venues à la fois du « haut » et du « bas ». Le contexte géopolitique global se métamorphose, attisant les tensions commerciales et les conflits jusqu’à nos portes, sur fond de révolution technologique annoncée de l’IA et d’aggravation des crises environnementales. Le retour des logiques de puissance remet les enjeux de souveraineté sur le devant de la scène – au risque d’éclipser l’urgence écologique. Mais la société change aussi « par la base », sous l’effet de chocs comme la pandémie ou d’évolutions de plus longue haleine, tel que le vieillissement, en passant par l’omniprésence du numérique dans tous les aspects de la vie. De nouveaux modes d’habiter, de travailler, de consommer, de se rencontrer…émergent au sein d’organisations spatiales conçues pour d’autres usages, d’autres rythmes.
Le cycle annuel 2026 propose d’explorer ces lignes de force en interaction, pour comprendre comment elles transforment la manière dont les espaces sont vécus et perçus : retour de la géographie physique, à l’heure où les enjeux écologiques et géopolitiques suscitent un intérêt renouvelé pour les ressources naturelles stratégiques ; hybridation des espaces réels et virtuels ; opportunités de reterritorialisation – énergétique, industrielle, numérique, agricole – et nouveaux terrains de mobilisation et de contestation… Ce faisant, on s’interrogera sur les coopérations et solidarités territoriales, et plus largement sur l’articulation des échelles d’action, locale, régionale, nationale et européenne, pour des interdépendances choisies et maîtrisées.
On sera enfin attentif aux contradictions entre les injonctions venues d’en haut et les aspirations d’une société de plus en plus fragmentée. Construire une usine, installer des éoliennes ou une ligne à haute tension, ouvrir une mine, limiter l’urbanisation… toutes ces décisions suscitent des controverses qui placent les acteurs locaux en première ligne. Face à la complexité des interdépendances, la séduction des solutions « simples » promises par les populismes gagne du terrain. Retrouver la capacité de construire des décisions légitimes est un enjeu vital pour les démocraties.